Lorsque l’esprit voudrait bien communier avec le corps mais n’y parvient pas, ça donne mon impression de ce soir.
Ok, il faut vivre l’instant, recevoir l’intention de l’autre, répondre avec son corps vide de toute tension, de tout calcul et de toute réflexion.
Ca, c’est intégré.
Mais sans chercher à s’en mêler directement, l’esprit aimerait bien comprendre le mécanisme de l’exercice. Pas pour en prendre le contrôle ou embrouiller le corps et l’instinct dont il a besoin dans l’action, mais juste pour soulager ses neurones qui, sagement, dans leur coin, bouillonnent un peu quand même d’assister à l’inexplicable, sans même entrevoir la queue d’un petit indice technique.
Par un geste, un simple geste, une intention bien placée et un lâcher prise des tensions, on arrive à mettre un partenaire à terre en une fraction de seconde.
Il n’a plus de prise, et perd instantanément l’équilibre, il suffit juste de le caresser légèrement pour qu’il embrasse le sol sans l’avoir souhaité, en douceur, avec les yeux d’un enfant qui serait surpris en train d’avoir l’envie de faire une bêtise.
Dans le regard de l’autre, on distingue un grand point d’interrogation, qui se transforme aussitôt en accueil de la magie de l’instant. On se sent aspiré par le sol, qu’on le veuille ou non.
Effectivement, c’est magique et extrêmement ludique.
Mais dans chaque tour de magie, il y a une explication logique. Et sans rien enlever de la magie, on peut avoir le plaisir de comprendre le truc.
Là, je sais qu’il n’y a pas de « truc », que c’est juste le mouvement du corps et la connexion avec la tension de l’autre qui le fait perdre l’équilibre.
Mais puisque je l’ai compris, pourquoi est-ce que je n’y arrive pas à chaque fois ?
Rater 1 fois, c’est rigolo, 2 fois, c’est amusant, 3 fois, on s’habitue, mais au delà, cela devient frustrant.
L’enfant intérieur qui s’éclate en moi à chaque séance, prend un plaisir immense, il se donne à fond avec ses camarades, accepte totalement les sensations qu’il reçoit et qu’il avale par gourmandise. Mais arrive le moment où il n’y arrive vraiment pas, où il s’impatiente, où il commence à sentir l’impatience le gagner, où il sent qu’il est au bord de la petite colère.
L’enfant qui est en moi, celle que j’étais, a toujours largement accueilli l’échec. Elle a toujours aimé jouer, et perdre, car son seul plaisir était dans le jeu, qu’elle ait de la chance ou pas. Plutôt perdre 10 parties de petits dadas que de ne pas y jouer, et de s’ennuyer seule devant la télé. Le partage du moment a toujours été plus plaisant que la solitude. Mais j’avoue que la onzième partie avait tendance à se faire sur un nouveau jeu, en espérant une petite chance de gagner, une fois, au moins une fois. Aucune fierté lorsque cela arrivait, au contraire, mais plutôt une petite peur que l’autre n’aime pas perdre et qu’il refuse de continuer à jouer. J’avais même tendance à perdre volontairement lorsque je jouais avec des mauvais joueurs.
Dans un jeu de construction, dans les jeux de réflexion et de mécanique, j’aimais aussi réfléchir au mouvement. J’adorais les jeux de pyramides, et le mikado.
Mais dans mes jours de malchance, ceux ouùmes mains se voulaient malhabiles malgré ma patience d’ange, ce qui devait arriver arrivait.
Lorsque tout le monde avait quasiment posé toutes ses briques ou enlevé tous ses bâtons, je sentais la frustration monter. Je sentais la maladroite fulminer de ne même pas être foutu de placer au moins une pièce sans tout faire retomber, ou d’enlever un tout petit bâton coloré. Je n’ai jamais fait de colère, ou jeter le jeu en l’air, parce que j’étais bien élevée. Mais l’envie était là, les larmes pas bien loin, et le ventre … le mal de ventre qui me tiraillait de me sentir empotée.
J’étais une mauvaise partenaire, j’enlevais à l’autre un peu de son plaisir de jouer, puisque je ne servais à rien dans la partie, qu’il n’y avait aucun challenge, et que mes demandes de jeux de ces jours-là se soldaient par un « bah nan, je vais encore gagner, c’est pas drôle … » Je partais donc, désenchantée, déçue et triste, me caler devant la télé …
Du coup, c’est ce qui est remonté ce soir. Ne pas réussir à communiquer avec mon corps, obliger l’autre à m’expliquer chaque mouvement, ce que je devais ressentir, et comment je devais utiliser son corps, avec un « Voilààààà » lorsque, Ô miracle, j’y parvenais.
Pas longtemps. Une fois. La suivante était à nouveau un échec.
Manquer de fluidité, d’harmonie avec l’intention de l’autre m’a presque fait de la peine ce soir. Et l’enfant intérieur trépignait, avait envie de crier : »Mais heuuuuu, Momaaaaan, j’y arrive pas heuuuuuu ! »
Bizarrement, il y avait 3 nouveaux participants ce soir. 3 personnes qui se sont confrontées pour la première fois à elles mêmes, et qui ont visiblement apprécié la séance. Et finalement, je me suis beaucoup reconnue dans leur temps de parole. J’étais comme à un premier cours, celui où l’on sait que l’on va finir par y arriver, mais qu’on débute, que c’est normal de patauger un peu, mais tout en y prenant beaucoup de plaisir.
Et bien moi, j’étais comme à un premier cours. Sauf que ça ne l’était pas. Et ma découverte, c’était qu’il y aura des soirs où je serai moins fluide que les autres, où je me laisserai peut-être moins aller, où je serai moins « dedans », où je redeviendrai la petite fille qui ne comprend pas pourquoi elle n’y arrive pas. Celle qui aimerait bien qu’on lui explique, pour qu’elle y arrive aussi, comme tout le monde.
Cela arrive, ce n’est pas grave. Mais c’était ma première fois.
C’est toujours difficile une première fois … parait-il !
Moi aussi j’aime bien comprendre, mais le problème quand on croit avoir compris c’est qu’on refait immédiatement « pareil pour vérifier », et ça ne peut pas marcher à moins que le partenaire ne fasse « pareil pour te faire plaisir »!
Pour ce qui est du sentiment d’échec, je me souviens d’un conseil de mon prof de golf: arrêter de compter les points. Je comprend ça comme « il faut jouer chaque mouvement en effaçant le passé », je crois que c’est la même idée au systema. Je repense aussi à ce lien intéressant (vidéo en anglais)
https://lewishowes.com/podcast/guy-winch-emotional-injuries/
Dans le passage sur la gestion de l’échec, le conférencier présente une expérience de psychologie tendant à prouver que l’échec nous fait inconsciemment surestimer la difficulté de la tâche à accomplir.
Vivement la rentrée!
Chercher à comprendre fait partie de nos habitudes. Il est difficile de se « déprogrammer ». Mais la patience, le lacher-prise, et la pratique nous y conduisent doucement. Bercés, accompagnés, nous accueillons nos forces et nos faiblesses … vers l’équilibre, ce sacré Graal !!!