Celle qui observait les canards sauvages

Cévennes, un lundi matin.
Première expérience de Gestion du froid à la rivière.
Se lever à 7h30 en sachant que l’on est sensé marcher 15 minutes vers un torrent glacé pour s’y tremper … Bonheur …
Etonnamment, je me suis levée sans trop de difficultés. Bon ok, je suis un tantinet à la bourre et je dois bien courir quelques mètres pour rattraper le groupe. J’en ai même profité pour trouver un raccourci qui évite la grande descente qui part de l’hôtel vers la route de bitume, ce qui me permet, au virage suivant, de faire mine d’être à l’heure …
– « Bah t’es là toi ? »
– « Bah oui, évidemment ! »avec le regard malicieux et le souffle rapide de la personne qui tente de n’être que discrètement essoufflée …
D’un pas décidé, je m’aligne au rythme des pas des autres et je suis le groupe jusqu’à la riviere. Je respire suivant les instructions, papote un peu avec Manu, mais tranquillement, sagement, doucement, entre 2 respirations alternées.
Arrivés au torrent, Jean-Marie donne les instructions. Entrer doucement dans l’eau, penser à respirer, principalement, respirer. Il propose plusieurs techniques de gestion du froid, que chacun écoute et reproduit comme pour se préparer, réviser, répéter avant le grand saut.
Voilà, chacun se déshabille, trouve un petit coin où la descente vers l’eau froide est moins glissante, moins profonde, plus progressive.
Je les regarde se préparer, se dévêtir, se sourire. Ils appréhendent visiblement, malgré la peur et la curiosité.
Je les regarde et me fait discrete … Pas sûre d’avoir envie de barboter … En bonne camarade que je suis, et que j’ai toujours été, j’ai accompagné mes amis, et je les encourage chaleureusement en plaisantant, cachée derrière mon plus grand sourire, ma plus belle armure.
Ils ne réalisent pas tout à fait que c’est l’enfant qui sommeille en eux qui réveille leur curiosité et leur force d’y aller malgré le froid. Ni que c’est l’adulte qu’ils sont aujourd’hui qui relève le défi.
Car il n’y a que pour l’adulte que c’est un défi et pas un jeu.
De mon côté, je n’ai jamais été une enfant curieuse et téméraire. J’étais déjà une trouillarde. Ce genre d’exercice, ce genre de jeu, ne m’aurait pas fait beaucoup marrer à l’époque où les autres jouaient les casse-cou, en se prenant pour des petits durs. Non, moi, j’étais molle, et je l’assumais parfois assez bien. Parce que ma compagnie suffisait et qu’il était toujours utile d’avoir un guetteur pour prévenir d’un danger ou de l’arrivée imminente d’un représentant de la haute autorité adulte.
Aujourd’hui, je retrouve mon rôle sans honte et je les regarde se préparer, puis entrer doucement dans l’eau.
Pas à pas.
Les pieds ! Certains rient, d’autres crient dans des whoooo sonores et amusés.
Certains sortent, d’autres avancent.
Les genoux ! certains rient encore, d’autres se concentrent, commencent à respirer plus rapidement, plus bruyamment.
Les cuisses ! Certains froncent les sourcils, d’autres serrent les dents. Les autres continuent à souffler et à sourire en même temps.
Les fesses ! Wharf, sacré passage les fesses ! Tout le monde déguste ce moment. De joie ou d’appréhension, mais chacun réagit.
D’autres sont déjà sortis. Tantôt contents, tantôt frustrés, tantôt déçus d’eux mêmes.
Ils respirent comme on le leur a montré. Automatiquement, machinalement, mais leurs yeux ne brillent pas, aucun changement notoire. Un simple contentement d’avoir pousser les limites, d’avoir osé.
Puis après quelques minutes, d’autres sortent. Plus vaillants, plus vainqueurs, plus fiers.
Des cris, des rires, des soupirs de soulagement mais surtout de plaisir.
Les consignes sont respectées : Les souffles s’harmonisent, les corps sont en mouvement, puis ils se sèchent doucement et se rhabillent méticuleusement.
Tout le monde semble surpris. De sa propre performance ou de celle des autres. On se sourit, mi-amusé, mi-interdit. Et comme si cela n’avait jamais eu lieu, comme si l’épreuve n’en était absolument pas une, le groupe se remet en marche en suivant le chemin inverse vers le gite.

Nous ne sommes que deux à avoir assisté à ce spectacle impressionnant. Comme des canetons qui s’ébrouent pour la première fois, instinctivement, maladroitement, hésitants mais naturellement, tous ont osé, ont tenté l’expérience, avec l’envie de se dépasser ou de se dégonfler le lendemain, mais dans la certitude qu’il fallait qu’ils essayent, ici et maintenant.
Je suis admirative, je suis bluffée.
Quel courage !
Ok, ce n’est peut-être qu’un pied dans l’eau froide, mais savoir qu’on risque de ne pas passer un moment agréable et de le faire quand même, c’est assez couillu et surtout, à mon sens, très courageux !
Ceux qui l’ont fait facilement vous diront peut-être qu’il n’y pas de quoi sortir les médailles, mais moi, sur place, devant leur détermination et leur curiosité, prèts à relever le défi et à tenter l’expérience, je dis : chapeau ! Bravo mes canards !

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