Gérer une agression

Gérer une agression

par Konstantin Komarov

Il est difficile de décrire le Systema car c’est quelque chose qui enveloppe l’ensemble de la personne. Le Systema c’est la liberté personnelle : la liberté du corps, la liberté de l’esprit et la liberté de l’âme parce que pour réussir au Systema, il faut se libérer du superflu pour ne garder que l’essentiel.

Quels sont les principes de base du Systema ?
Il y en a beaucoup. Ne pas résister. La continuité. L’absence d’attaque, uniquement la défense. L’absence de tension. Une totale relaxation. La continuité dans la respiration. Le calme interne. Le contrôle des émotions,… On pourrait continuer à en énumérer pendant des heures…

Que faire en cas d’agression ?
L’agression, c’est la peur donc si quelqu’un vous agresse, c’est qu’il y a de la peur dans son âme.Ce qu’attend l’agresseur, c’est que vous répondiez à son agression par l’agression ou que vous partiez en courant sans résister. En cas d’agression, vous devez donc garder votre calme intérieur parce que les gens sont connectés entre eux comme des satellites. Dès qu’une personne remplie d’émotions et d’agressivité en aborde une autre, elle lui transmet sa tension, son agressivité et ses émotions. Si les sentiments agressifs sont forts, les émotions telles que la peur ou l’agressivité vont se refléter chez la personne agressée comme dans un miroir. Le seul moyen de réagir à l’agression est donc de laisser l’énergie vous traverser sans la retenir.

Comment réagir ?
Le plus important, c’est l’observation. Restez calme et soyez dans l’observation. Si l’agresseur vous agresse physiquement, vous devez le stopper immédiatement. C’est comme un enfant qui fait des bêtises. Il ne cherche pas à nuire, il est simplement petit et ne comprend pas. Que faites vous ? Vous arrêtez sa mauvaise conduite puis vous le punissez. Si vous avez à faire à une personne agressive adulte, considérez son comportement de la même façon que la mauvaise conduite d’un enfant. Si l’agression est physique, répondez à cette agression au moment où la distance prédéterminée par vous est franchie par l’agresseur ; ni avant, ni après.

Quelle est la psychologie de l’agresseur au moment de la riposte ?
Elle dépend de deux choses : Qui est l’agresseur ? Quelle est votre réponse ? Il existe une loi qui est la loi de mesure de l’agression. Votre riposte doit être juste et legerement plus importante que l’agression. Si votre réponse est moindre, vous n’obtiendrez pas l’effet voulu sur la psychologie de l’agresseur. Si vous répondez trop fort, il prendra ça comme une insulte et va de nouveau vous agresser pour équilibrer la situation. La mesure et le moment de votre réponse sont donc très importants. Si par exemple une personne me menace, elle s’attend à ce qu’il se passe quelque chose. Si ma réponse est courte et sans émotions, l’agresseur vit une impression de choc et n’a pas le temps d’interpréter ma riposte par des émotions quelconques. La vitesse et la nature de la réponse sont donc essentielles.

Si l’agression est verbale, que faire ?
Si vous ne voulez pas neutraliser l’agresseur, posez vous la question : « En quoi les paroles de cette personne me touchent ? Qu’y a t-il d’insultant pour moi dans cette situation ? ». Chaque société vit selon des règles en place depuis des générations. On ne les suit pas forcément, mais tout le monde les connaît. Il y a des situations ou des conditions dans lesquelles il est difficile de faire entendre ces règles à une personne agitée. Lorsque ce n’est pas possible, on utilise la force mais la meilleure façon de contrôler la situation, c’est de changer l’état d’esprit des gens présents en parlant ou en faisant des expressions qui vont entraîner le rejet de cette personne par le reste du groupe.

De quelle façon ?
Imaginons que nous sommes plusieurs et que vous m’insultiez. Il m’est possible d’engager mes voisins en les prenant à partie contre vous car vous interrompez leur conversation. Ainsi, tout le monde va penser que vous êtes persona non grata. Il y a mille manières de contrôler la situation mais le principe de base sera toujours le même : rester froid et calme. Dès que vos émotions sont engagées, votre calme interne disparaît et l’objectif de votre agresseur est atteint.

Comment réagir lorsque l’on est témoin d’une agression ?
Lorsque je vois une personne se faire agresser et que j’ai la certitude que cette personne ne veut pas être engagée dans cette situation, je m’approche de cette personne, je lui parle pour lui tendre une main imaginaire. Si elle prend cette main (imaginaire bien sûr) ou si elle me signale qu’elle veut la prendre, alors je m’engage. Si la victime est une femme par exemple, vous pouvez demander à l’agresseur : « Qu’est-ce que tu fais avec ma sœur ? » ou « Pourquoi tu touches ma sœur ? ». Si la femme veut prendre la « bouée de sauvetage », elle va dire « Oui, je suis sa sœur ».

Comment surmonter mon stress lorsque je viens en aide à une personne agressée ?
La première chose, c’est la décision d’intervenir. Cette décision doit être prise avant de s’engager dans la situation. Si vous avez des doutes, il vous faut les résoudre avant de vous engager. Lorsque vous n’avez plus de doutes et que vous avez pris votre décision, approchez-vous de la zone du conflit pour stopper la situation. Lorsque vous pénétrez dans cette zone, la plupart du temps, l’un des deux protagonistes va vous agresser parce que vous êtes rentré dans cette zone. En agissant ainsi, vous vous êtes engagé et l’une des deux personnes va vous montrer ses émotions ; soit l’agresseur en vous demandant ce que vous voulez, soit la victime en vous demandant de l’aide ou en se retournant contre vous. A ce moment-là, réagissez en fonction de la situation.

Et si vous êtes agressé par plusieurs personnes ?
Je ne suis pas un héros. Dans une situation difficile comme ça, s’il n’y a aucune nécessité à m’engager dans la situation, je n’ai pas honte, je m’en vais en courant. Par contre, si je dois défendre une femme ou un ami, si je dois accomplir une mission, alors je cherche une arme, un bâton, un couteau, une fourchette, n’importe quoi et je me défends.

Interview : Jean-Marie Frécon – Benoît Caire

Konstantin Kamarov
Major de l’école du KGB
Reconnaissance militaire
Docteur en psychologie du combat
Garde du corps professionnel pour les hautes personnalités à Moscou.